La loi sur l'IA n'existe pas. Voici pourquoi la Loi 25 est votre manuel de règles dès aujourd'hui.
I. Le chaos réglementaire mondial et l'opportunité canadienne
La course pour réglementer l'intelligence artificielle est lancée, et c'est un spectacle désordonné. L'Union européenne impose un cadre complexe et prescriptif avec sa Loi sur l'IA, tandis que les États-Unis privilégient l'innovation à tout prix, créant un environnement d'incertitude pour tous les autres.
Pris dans ce tourbillon, les dirigeants canadiens font face à un vide. Mais ce vide n'est pas une menace ; c'est une opportunité. Dans un marché où la méfiance envers l'IA grandit, les entreprises qui réussiront ne sont pas celles qui attendent les règles, mais celles qui les définissent.
Votre plus grand atout concurrentiel n'est pas votre algorithme, c'est la confiance. Et cette confiance se bâtit par une gouvernance proactive et transparente.
II. La leçon de l'échec: Pourquoi la loi fédérale (LIDA) a échoué
Le Canada a bien tenté d'imposer un cadre avec la Loi sur l'intelligence artificielle et les données (LIDA). L'intention était bonne: créer la première loi canadienne sur l'IA, basée sur les risques des « systèmes à incidence élevée ».
Pourtant, la LIDA est morte avant même d'être adoptée. Pourquoi ? Une analyse de l'Institut d'éthique en intelligence artificielle de Montréal pointe des failles critiques: un processus de consultation opaque, une portée vague et un manque de surveillance indépendante. Ironiquement, une loi censée bâtir la confiance a échoué par manque de confiance dans son propre processus.
La leçon est claire: sans transparence et sans responsabilité démontrée, toute tentative de gouvernance de l'IA est vouée à l'échec, qu'elle soit gouvernementale ou corporative.
III. Votre véritable guide: Comment la Loi 25 encadre déjà l'IA au Québec
Pendant que le fédéral cherche encore sa voie, la réalité sur le terrain au Québec est dictée par la Loi 25. Puisque l'IA se nourrit de données, cette loi sur la protection des renseignements personnels est devenue, de facto, le manuel de règles le plus important pour toute entreprise utilisant l'IA à Montréal.
Ignorer ses obligations n'est pas une option. Voici les exigences qui dictent déjà votre gouvernance de l'IA :
Consentement explicite et renouvelé Vous ne pouvez pas réutiliser des données collectées pour une fin (ex: la facturation) afin d'entraîner un modèle d'IA sans obtenir un nouveau consentement, spécifique à cette nouvelle fin.
Transparence obligatoire pour les décisions automatisées Si une décision est prise exclusivement par une IA, vous devez non seulement en informer la personne concernée, mais aussi lui expliquer la logique derrière la décision. Le temps des « boîtes noires » est révolu.
Évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (ÉFVP) Une ÉFVP est obligatoire avant d'adopter une nouvelle plateforme d'IA, de faire appel à un fournisseur externe ou de transférer des données hors du Québec. C'est un processus d'analyse de risque incontournable.
Confidentialité par défaut Vos systèmes doivent être configurés pour offrir le plus haut niveau de confidentialité dès la conception. C'est un défi direct aux modèles d'IA qui maximisent la collecte de données par défaut.
IV. Bâtir votre propre forteresse: La gouvernance proactive comme stratégie
En l'absence de loi fédérale, les leaders doivent prendre le contrôle. La réglementation « ascendante » (bottom-up), menée par l'industrie elle-même, n'est plus une option, c'est une nécessité stratégique.
Voici votre feuille de route pour prendre les devants :
Nommez un Responsable de la protection des renseignements personnels. C'est une exigence de la Loi 25 et cette personne devient le pivot de votre gouvernance de l'IA.
Établissez un cadre de gouvernance interne. Créez des politiques claires pour le développement et le déploiement de l'IA, en vous inspirant de cadres reconnus comme le AI Risk Management Framework du NIST.
Rendez les ÉFVP systématiques. Faites de l'ÉFVP une étape non négociable pour tous les projets d'IA, même ceux qui ne sont pas strictement couverts par la loi. Cela instaure une culture du risque.
Investissez dans une transparence radicale. Soyez prêt à expliquer à vos clients et aux régulateurs comment fonctionnent vos systèmes et quelles garanties protègent leurs données. C'est votre meilleure défense.
V. Briefing Exécutif: Transformer la conformité en avantage concurrentiel
Pour le CEO et le C.A. : L'IA responsable n'est pas un coût de conformité ; c'est un investissement dans la réputation de votre marque. Dans un climat d'anxiété, la confiance est la monnaie la plus rare et la plus précieuse.
Pour le CISO et le Chef des données : Votre rôle a changé. Vous n'êtes plus seulement des protecteurs de données, vous êtes les gardiens de leur utilisation éthique. Votre mission est de traduire les exigences de la Loi 25 en contrôles techniques et procéduraux robustes.
Pour le CFO : Les amendes pour non-conformité à la Loi 25 peuvent atteindre 25 millions de dollars ou 4 % du chiffre d'affaires mondial. Un investissement proactif dans la gouvernance de l'IA n'est pas une dépense, c'est une stratégie de mitigation des risques financiers parmi les plus rentables que vous puissiez faire aujourd'hui.
